Trésors cachés en sous-sol

Le plus long ensemble de grottes englouties du monde a été révélé au Yucatan. Cette découverte, à deux pas des grands hôtels internationaux de la côte, laisse augurer une meilleure connaissance des rituels mayas, pour qui ces sites souterrains étaient sacrés.

Le Mexique a-t-il déjà enregistré des disparitions de nageurs dans les cenotes, ces dépressions d’eau douce au milieu des terres dans lesquelles les touristes ont l’habitude de se baigner ? Si tel est le cas, il ferait bien d’exhumer les vieux dossiers, car on pourrait peut-être bientôt retrouver leurs traces. Pourquoi ? Parce qu’en janvier a été révélée, au Yucatan, une grotte immergée de près de… 350 km de long, proche de la côte mexicaine et de la ville de Tulum, et son célèbre temple.

La découverte, réalisée par des spéléologues plongeurs de Gran Acuifero Maya (GAM, en français, « Grand Aquifère Maya »), un projet mexicain consacré à l’exploration et à la préservation des eaux souterraines de la région, est en réalité la confirmation que deux réseaux déjà connus sont connectés et n’en forment qu’un. Ce labyrinthe de cavernes, grottes et couloirs immergés réunit le complexe de galeries Sac Actun, d’une longueur de 262 kilomètres, à celui du cenote Dos Ojos, de 85 km. Il supplante le réseau précédemment détenteur du record, Ox Bel Ha, un autre ensemble englouti de la même région de 270 kilomètres de long, plus au sud.

Au total, Sac Actun totalise donc 347 kilomètres immergés. De quoi faire perdre leur fil d’Ariane aux plongeurs mais pas le latin de ces chercheurs-scaphandriers, emmenés par l’emblématique directeur des explorations scientifiques du projet GAM, l’allemand Robert Schmittner, spéléologue installé au Mexique depuis plus de vingt ans. Après des mois d’exploration – le projet a démarré en mars 2017 – cette découverte exceptionnelle va non seulement renforcer les connaissances sur les biotopes immergés mais aussi livrer de nouveaux secrets sur la civilisation maya, pour laquelle ces grottes englouties reliées à la surface par les cenotes ne constituaient ni plus ni moins que des lieux sacrés.

« Cela permettra d’en savoir plus sur l’histoire et le développement de la région, sous domination maya avant la conquête espagnole. Les rituels, sites de pèlerinage et, plus globalement, la colonisation pendant la période préhispanique, seront mieux connus », témoignait ainsi Guillermo de Anda, directeur du projet GAM et membre de l’Institut National mexicain d’anthropologie et d’histoire.

Parce que les mayas étaient des êtres amphibies qui pouvaient vivre sous l’eau ? Non, évidemment ! Mais les cenotes, vénérés et considérés comme des espaces de communication avec les Dieux de « l’au-delà » (où plutôt, de « l’en-dessous »), étaient des lieux de culte et de sacrifice dans lesquels ils jetaient des offrandes, des animaux et des… êtres humains.

Des trésors, témoins de ces civilisations disparues, y sommeillent depuis des millénaires. Restes d’animaux disparus, de céramiques, de tombes mayas, trace des premiers colons d’Amérique… Sac Actun pourrait se révéler être le plus gigantesque site archéologique englouti de la planète ! Une sorte de tunnel proto historique transportant le chercheur jusqu’à douze à quatorze millénaires en arrière. C’est au demeurant dans les eaux d’un gouffre profond de 45 m, Hoyo Negro, dans le réseau de Sac Actun, qu’a été découvert en 2007 le squelette de Naia, une jeune fille d’environ 15 ans qui vivait dans la région il y a près de 13 000 ans. Elle serait malheureusement tombée dans ce cenote.

Mais, à propos, pourquoi y a-t-il tant de galeries immergées dans cette partie du Yucatan ? Aux confins de ce Mexique caraïbe – parfaitement relié au reste du monde grâce à l’aéroport international de Cancún, desservant tous les hôtels de la côte -, le relief calcaire est percé comme un gruyère suisse. Les cenotes (nom dérivé du maya « dz’onot », signifiant puits sacré), sont de vastes avens d’eau douce issus de l’effondrement de galeries souterraines après la dissolution du calcaire (phénomène naturel) et de la production de dioxyde de carbone d’origine bactérienne au fond des puits.

L’action combinée des deux phénomènes aurait accéléré l’érosion de ces gouffres qui communiquent en sous-sol par l’intermédiaire de couloirs engloutis. Les cenotes peuvent être très profonds. Celui de Zacatón, au nord-est du Mexique, a été mesuré à – 318 m. Un record. Et quand leur base se situe sous le niveau de la mer, l’eau salé s’infiltre et recouvre le fond.

Si les cenotes constituent un objet inépuisable d’études pour les archéologues épris de culture maya, il l’est aussi pour les naturalistes. Sources d’eau précieuses pour les peuples précolombiens, les puits en disent beaucoup sur la biodiversité locale. Les eaux douces constituent un berceau pour la vie aquatique et la biologie est étudiée de près. La faune y est également représentée. Les chercheurs ont identifié les restes de trois espèces de paresseux et ceux de lions préhistoriques, les smilodons, ainsi que de tapirs et d’ours.

Pour des chercheurs américains de l’université du Tennessee, il n’y a guère de doute : la diversité du monde animal éclaire sur les bouleversements climatiques et écologiques en vigueur dans la région, il y a des milliers d’années. Le territoire aurait été le maillon fort de la vie animale entre l’Amérique du Sud et du Nord.

Que va-t-il se passer désormais ? Les spéléologues-plongeurs du projet GAM vont tenter de réaliser une connexion entre l’immense réseau découvert et celui, à proximité, de Koal Baal, long de près de 100 kilomètres. Robert Schmittner est persuadé de son côté que des passages existent avec les autres grands systèmes souterrains de la péninsule du Yucatán. Rien que dans le nord-est de la péninsule, les scientifiques estiment leur nombre à 360. De quoi donner du travail pour de longues années aux chercheurs… et mille occasions aux touristes de s’intéresser à ce phénomène.

Dernière mise à jour : 16/04/2021

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