Une journée à Deshaies
Au nord-ouest de la Guadeloupe, ce village-écrin posé sur la mer des Caraïbes conserve les symboles parfaits du village créole. En prime, il abrite l’une des plus belles plages de l’île et un jardin botanique remarquable, imprégné du souvenir de Coluche. Ces arguments devraient suffire à convaincre parents et enfants d’y passer la journée…
C’était une journée d’été, de celles où la moiteur de l’air vous invite à quitter la côte pour chercher la fraîcheur des Hauts. Nous étions partis pour une cascade, une forêt, un col, bref, un lieu où nous aurions pu retrouver une liberté de mouvement sans l’oppression d’un soleil de feu caché derrière les nuages – il en est parfois ainsi en août en Guadeloupe, l’hiver offre à l’inverse une tropicalité moins lourde. Et puis vous savez ce que c’est : les enfants rechignent, se braquent à l’idée de marcher (même un peu), menacent de rester dans la voiture s’ils n’ont pas leur dose de surprises et de « fun ». Ce sont les vacances et l’on cède…
Ce sera donc Deshaies, son jardin botanique, son village et au final… ses plages. Au lieu de se poser à l’ombre de la D23, corridor vert et frais traversant Basse-Terre d’est en ouest, nous dévalons en direction de la côte caraïbe et Mahaut. Quelques kilomètres encore vers le nord par la N2 et nous arrivons à Deshaies, terminus du jour. Posé sur le littoral, le village forme un écrin protégé, serti dans un amphithéâtre de montagnes boisées.
Le petit bourg de pêcheurs aligne ses cases typiquement créoles (toits en tôles rouges, avant-terrasses couvertes, volets à persiennes…) face à la baie, où dansent barques et petits voiliers. Par bonheur, il fait moins chaud qu’à Grande-Terre. Les nuages restent accrochés aux montagnes d’arrière-plan et ouvrent au dessus du bourg un ciel bleu azur. De quoi donner raison aux enfants mais il ne faut pas leur dire…
Le patrimoine n’est pas leur truc mais tout de même : Deshaies mérite une visite détaillée. Le village a conservé son authenticité créole et une taille humaine, sans être impacté par les vilaines constructions modernes qui peuvent exister ici ou là. On « traine » ainsi les enfants à l’église Saint-Pierre et Saint-Paul pour voir sa belle charpente en forme de coque de bateau renversée. On leur fait découvrir l’Habitation Guyonneau, ex sucrerie et distillerie, une belle maison de maître avec son premier étage à galerie.
On file jusqu’à la Pointe Batterie voir les vieux canons censés défendre Deshaies contre les Anglais, à la fin du 18ème s. – la vue sur la baie est splendide. On oublie totalement l’idée de les emmener au sommet du Gros Morne, balade en sous-bois jusqu’à la côte 206 m pour respirer les senteurs de la flore et se souvenir que des esclaves en fuite – les marrons – s’y réfugièrent (faire une randonnée, pfff !, même pas en rêve, disent-ils….).
Non, non, ce qu’ils veulent, c’est aller voir le Jardin botanique. Quelques jours auparavant, l’auteur de ces lignes leur en a vanté la qualité, avec la vue, l’espoir de manger une glace, de faire ami-ami avec des perroquets… Nous arrivons ainsi dans ce lieu unique, perché au dessus de la baie. Le jardin est intimement lié au souvenir de Coluche. L’humoriste avait acheté cette propriété de 7 ha en 1979 et s’était lié avec un paysagiste de Métropole, Michel Gaillard, à la tête d’une pépinière de palmiers.
En charge du jardin de la maison jusqu’à la mort du comique en 1986, il se porte acquéreur du parc en 1991 et le transforme dix ans plus tard en jardin botanique. C’est cet espace que l’on visite de nos jours, un univers de plantes luxuriantes agrémenté de très beaux oiseaux – en année normale, 120 000 personnes le découvrent.
Les enfants ont leur récompense et ne boudent pas leur plaisir. Sur 1,5 km de parcours, le jardin dévoile un panel époustouflant de plantes tropicales, plus 1 000 espèces réparties en différents « îlots », les Cactées, la Palmeraie, l’Arboretum, le Mur d’Eau, l’Etang aux Nénuphars… 5 ha de végétaux où l’on s’enivre des couleurs et des senteurs antillaises, celles des hibiscus, des bougainvilliers, des orchidées… Les arbres forment un inventaire à la Prévert, baobabs, fromagers, arbres à pain, jaracandas, araucarias, banians, mapous, arbres à saucissons, palmiers (Royaux, talipot…), forêt de bambous (ah, la fraîcheur des bambous !)… Sans oublier les fougères arborescentes.
Près du restaurant panoramique, un banian géant rappelle qu’il était l’endroit favori de Coluche – son ancienne maison, vaste demeure dominant la baie, se loue. De notre point de vue (et celui des enfants), bon point aussi pour la tonnelle de la palmeraie, où des plantes grimpantes s’épanouissent grâce à un système de brumisation rafraîchissant. Récompense également pour l’espace thématique des cactées : des dizaines d’espèces aux épines redoutables prospèrent dans un décor rappelant les déserts américains.
Le jardin botanique est par ailleurs un… parc animalier. Il fallait ça pour achever de séduire les enfants ! A l’entrée, l’Etang aux Nénuphars annonce la couleur avec ses carpes Koï. Près d’une cascade de 10 m de haut, des flamants rouges importés de Cuba signalent la réintroduction de l’espèce près de Saint-François, où ils étaient présents dans les années 30.
Mais c’est surtout la volière qui fait tilt. A l’intérieur, passé un sas de sécurité, une quarantaine de loriquets évoluent au contact du public. Ces petites perroquets d’Australie aux couleurs chatoyantes ne craignent pas les hommes et n’hésitent pas à se poser sur les visiteurs. Rires un peu craintifs garantis…
La plage. Comment oublier la plage lorsque l’on est avec des enfants et que l’on vient à Deshaies ! Il en existe plusieurs dans ce village caraïbe. Rifflet, Anse de la Perle, Tillet, Fort-Royal, Cluny… ont leurs adeptes. Mais rien n’est équivalent à l’absolue virginité de la plage de Grand-Anse. Une reine de beauté, avec son « liseré » de sable blanc tourné vers l’ouest et le soleil couchant. Après les sauts, les courses et les plongeons dans l’eau translucide, même les gosses sont scotchés par le ciel rougeoyant et l’astre de jour qui disparait. C’est un moment d’une grande poésie, l’occasion de resserrer les liens avec sa progéniture en se forgeant des souvenirs inoubliables.
Dernière mise à jour : 20/12/2024
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