Guadeloupe, un air d'Irlande
L’île-papillon ne se résume pas à ses plages tropicales et à ses forêts humides. Tout au nord de Grande-Terre, le paysage prend des accents atlantiques et offre des paysages sauvages battus par la houle. Par mauvais temps, on se croirait presque chez les Celtes !
C’est une face cachée de la Guadeloupe que peu de touristes explorent. D’ailleurs, les guides de voyages le disent, invoquant ce nord de la Grande-Terre « à la végétation plus pauvre [et avec] beaucoup moins de constructions » (Guide du Routard). L’esprit curieux prenant toujours le dessus – et nous ne sommes ici qu’à environ une heure de route du Gosier, de Sainte-Anne et de Saint-François, où se concentrent la majorité des hôtels -, autant aller voir ce qu’il s’y passe.
En ce jour d’août, la météo est très menaçante. Une onde tropicale est même annoncée, signe de pluies violentes en ce mois ultime d’avant-saison cyclonique. Cela peut paraître un piège, c’est une chance ! Depuis Pointe-à-Pitre, on rejoint donc Les Abymes puis Morne-à-l’Eau par la N5, sous un ciel gris et tourmenté. La N8 met ensuite cap au nord, à travers des champs de canne à sucre. C’est la région fétiche pour cette culture, symbolisée par la présence, à côté du Moule, de la dernière sucrerie en activité de Grande Terre et de Basse Terre, Gardel.
Dans une parcelle au bord de la route, un attelage de chars à bœufs et sa remorque, conduite par deux jeunes paysans guadeloupéens en blouse bleue, illustre cette prédominance agricole. Cela va vite changer… Sous un ciel zébré d’éclairs, la petite départementale 122 qui s’échappe à l’est de la commune d’Anse Bertrand rejoint la Pointe de la Grande Vigie, ultime cap au nord de la Guadeloupe.
En ce milieu d’après-midi presque frais, au milieu d’une végétation basse et touffue de lande tropicale, la route est absolument déserte. Aucun village ni hameau à l’horizon. D’un coup, la pluie vient fouetter le pare-brise et transforme le décor en maquis désolé et opaque. Avec quelques murets de pierre et des troupeaux de moutons en plus, la ressemblance avec le Connemara serait presque totale…
Arrivé à l’ultime parking, où ne stationne plus qu’une seule voiture – un touriste égaré ? -, une question métaphysique se pose. Descendre or not descendre ? Hormis la certitude d’être trempé, les éclairs et le tonnerre incitent à une certaine prudence. Nous nous avançons toutefois vers un sorte de kiosque puis jusqu’à l’entame du chemin conduisant à la pointe. Et c’est le choc ! Pas celui de la foudre, non. Mais la vision, plein sud, d’une succession de hautes falaises tombant à pic dans l’Atlantique, au milieu d’une mer houleuse.
La Guadeloupe, ça ? Allons donc ! Plutôt l’Irlande, la Bretagne, le Pays de Galles ! Le crachin a beau être chaud, il rappelle furieusement les averses des Côtes d’Armor ou du Cotentin. Au sud, on distingue les pointes du Capucin, de Grand Rempart et du Piton, éperons rocheux menaçants avancés vers une mer hostile. La météo est quasi dantesque, de quoi effrayer le plus chevronné des marins.
L’Atlantique ne fait pas envie, d’ailleurs aucun bateau ne se risque sur l’eau. Mais quelle surprise de découvrir une telle scénographie océanique au beau milieu des Caraïbes ! Sous cette météo, il n’est pas raisonnable d’emprunter le sentier qui mène au bout de la Pointe de la Grande Vigie. Entre rochers calcaires cisaillés et maigre végétation, on y parvient normalement en 5 mn. C’est une aire de repos pour les frégates et les pailles-en-queues. Et dire que par ciel dégagé, on peut apercevoir d’ici la Désirade et même Montserrat et son volcan…
Reprenant la route, nous mettons cap au sud car le spectacle n’est pas fini. On nous avait recommandé de voir le lagon de la Porte d’Enfer et c’est bien d’enfer dont il s’agit. Pour s’y rendre, une autre route départementale se faufile à travers la lande épineuse et conduit, 7 km plus loin, à la Pointe du Piton. Toujours aucune trace d’habitat, les maisons fuient ce décor « abandonné » aux éléments.
Dans une descente, la route longe soudain la falaise et une échancrure profonde dans la côte : la Porte d’Enfer !! L’océan s’y engouffre et s’y calme progressivement, offrant l’apparence d’un lagon tranquille. Au loin, l’Atlantique se déchaine sous l’orage. Depuis le fond de la gorge, où l’on peut en temps normal se prélasser, un chemin mène en un quart d’heure au Trou de Mme Coco, une profonde crevasse.
Par une météo plus clémente, il est aussi possible de longer la côte au sud par le sentier de la Trace des Falaises. On parvient ainsi au Trou du Souffleur, un aven posé en retrait de la mer, d’une quarantaine de mètres de profondeur. Au fond, l’océan s’y projette avec violence… En balade aller-retour depuis la Porte d’Enfer, il faut compter 3h.
Il n’est pas étonnant d’apprendre que ces paysages peu communs sous les tropiques sont le prétexte à des légendes terrifiantes. Connaissez-vous les quimboiseurs ? Ces « sorciers » guadeloupéens auxquels certaines familles font encore appel (ce sont des guérisseurs, des sortes de vaudous locaux) auraient l’habitude de se retrouver au Trou de Mme Coco pour des cérémonies occultes. Nous n’avons pas attendu sur place pour le vérifier…
Ajoutons que la Trace des Falaises se poursuit après le Trou du Souffleur jusqu’à la Pointe Petit Nègre. Une vraie randonnée d’environ 4h30-5h entre de hautes falaises, des pointes déchiquetées et des anses, au bout de laquelle il faut prévoir un second véhicule pour revenir au point de départ. A réaliser si vous êtes en vacances en tribus ou à plusieurs familles, en prévoyant de l’eau, des bonnes chaussures, un couvre-chef et de la crème solaire – car oui, il fait en général beau et très chaud dans ce secteur !
De côte sauvage et découpée, les touristes en séjour à la Guadeloupe n’ont souvent que la vision de la célèbre Pointe des Châteaux, à l’est de Saint-François. Une pointe effilée et ultra rocheuse, battue sur son flanc nord par les vagues atlantiques. Au bout de la route, un chemin conduit en une dizaine de minutes vers une grande croix dressée sur un rocher. Le paysage alentour n’et pas sans évoquer quelques coins de Bretagne. Au loin, l’île de la Désirade, autre terre aux faux accents « celtiques », apparait comme une vigie annonçant les tempêtes...
Vue sous cet angle atlantique, la Guadeloupe apparaît soudain comme une « autre » destination. Cela renforce, il va de soi, l’intérêt d’un séjour sur l’île papillon.
Dernière mise à jour : 20/12/2024
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