Petits secrets de Saint-Barth...

Ile française au cœur des Antilles, Saint-Barth’ est une destination hype et beautiful people. Mais derrière le luxe des hôtels, cet éden cache une épopée singulière et de beaux restes de nature « caraïbe ». Explications.

Je ne vais pas vous raconter d’histoires. Personne ou presque ne vient à Saint-Barth’ faire du tourisme culturel. L’île a tout du paradis tropical pour voyageurs hédonistes à l’aise qui auraient tort de s’en priver, tant l’hôtellerie est ici synonyme de luxe et de bien-être. Le Toiny, le Guanahani, le Sereno, l’intimiste Christopher… ont forgé la légende de Saint-Barth’.

L’aérodrome Gustav III, à Saint-Jean – piste courte, atterrissage sec, la mer au bout du tarmac – est fréquenté à longueur d’année par des avions privés débarquant les traders new-yorkais lorsqu’il leur prend l’idée, le week-end, de quitter Big Apple pour claquer leurs bonus dans les spas et les restaurants gastro de l’île. Quand on n’a pas besoin de compter, il est permis d’aimer ce que l’on veut…

Remontons le temps

Je n’ai rien contre, juste que ce paradis a secrété une élite et un entre soi qui ont fait oublier l’identité même de ce territoire caraïbe. Alors que…

Saint-Barthélémy a longtemps hésité avant de choisir son camp. Bien sûr, c’est Christophe Colomb, un jour de 1493, qui a découvert cette poussière caraïbe. Il a du être surpris. Pas de forêt luxuriante, encore moins de pitons noyés sous les nuages et de cocotiers. Une île sèche, rocailleuse, à la végétation rabougrie. Un éden, ça ? Pfff. Un caillou, oui, inapte à la culture sucrière. Le navigateur baptise l’île du prénom de son frère, Bartoloméo. Et passe son chemin.

Colonisée une première fois en 1648, sans grand succès, l’île est vendue à l’Ordre de Malte mais les chevaliers la désertent trois ans plus tard. Replacée sous l’autorité de la France en 1674, elle voit arriver des colons Bretons et Normands, peut-être plus opiniâtres que d’autres. Ils deviennent pêcheurs, petits exploitants agricoles, marchands… Pour autant, la France s’en désintéresse : trop rocailleuse, trop âpre, Saint-Barthélémy n’est pas bonne à produire des richesses. Alors, après un bref intermède anglais en 1758, elle est cédée en 1784… aux Suédois, pourtant peu experts en gestion coloniale. Le deal a été négocié par un ministre de Louis XIV en échange de droits commerciaux dans le port de Göteborg et en mer Baltique.

Sous leur autorité, Saint-Barth devient un port franc où les navires de tous pavillons mouillent librement et déposent leurs marchandises (épices, tabac, indigo…). Le port de Gustavia est exonéré de douanes et de taxes. C’est la prospérité ! Sauf qu’au delà de cet intermède nordique, l’île avait entretemps acquis une identité française. Arrivée au bout du modèle portuaire, quand les bateaux à moteur remplacent ceux à voiles, Saint-Barthélémy est rétrocédée par le roi de Suède à la France en 1877, après avis favorable des habitants de l’île.

S’ensuit de longues décennies d’isolement. Toujours aussi peu fertile, rattachée administrativement à l’archipel guadeloupéen, Saint-Barth’ n’est qu’une lointaine périphérie ultra-marine. Il faudra attendre 1957 et sa redécouverte par le milliardaire américain Rockefeller pour que sa notoriété s’éveille et enclenche la mode touristique qui ne l’a pas quitté depuis.

Saint Barth aujourd'hui

Le visiteur curieux – et il faut l’être en toutes circonstances ! – a maintes occasions de découvrir cette histoire. Première étape : Gustavia. Autour du port rectangulaire empli de voiliers et de yachts, se cachent les traces de l’intermède nordique : l’ancien hôtel des gouverneurs suédois, rue du roi Oscar II ; le clocher suédois, rescapé des cyclones et des incendies ; la maison Dinzey, belle demeure en pierre et bois, propriété du consul honoraire de Suède ; la batterie du fort Gustav III, avec remparts, citerne et poudrière.

Un tour au Sélect, le bar culte de Gustavia où cohabitent à longueur d’année résidents, touristes et voileux et vous plongez dans la vie quotidienne de l’île. Les Bretons de Saint-Barth’ ? Ils sont partout ! Plutôt que de louer un 4x4, prenez donc un scooter et allez vous balader du côté de Corossol. Le drapeau breton qui flotte au vent des tropiques, voilà une des réalités de Saint-Barth. Le village est l’un des fiefs historique des « natifs ». Et si l’on en doutait encore, un coup d’œil aux boîtes aux lettres le confirme. Lédée, Questel, Gréaux… les patronymes sentent bon l’Ouest de la France.

Les descendants natifs de l’île se surnomment les Saint-Barths. Très attachés à leur histoire, ils affichent fièrement leur origine. Plus de 80% de la population résidente permanente de l’île (9 000 habitants) est blanche et d’origine bretonne, ou venue d’autres régions de l’Ouest.

Reste à visiter les coins cachés du territoire. Les secrets les mieux gardés de Saint-Barthélémy sont au nombre de trois. Le premier est l’anse du Colombier. Cette plage de sable blond est d’autant plus agréable qu’elle est abritée et peu fréquentée. Il faut dire qu’on n’y accède qu’à pied (ou en bateau), ce qui n’est pas ici le loisir favori des touristes…

Second site, l’anse du Gouverneur et sa conque parfaite de sable clair. Le troisième endroit est le plus insolite. Isolé à l’est de l’île, Grand Fond surgît comme un paysage d’Irlande, avec ses murets de pierre rouge délimitant des enclos d’herbe rase. Un air de bout du monde, avec les alizés qui bourdonnent aux oreilles…. Sous le clinquant, Saint-Barth a encore une virginité à faire valoir, que je recommande absolument.

Dernière mise à jour : 24/09/2021

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