En kayak dans la mangrove des Trois-Îlets

Dans la baie de Génipa, autour de l’embouchure de la Rivière Salée, la balade dans cette mangrove de 1 200 ha est une expérience rare en Martinique. Avec un guide, la sortie se joue des bras d’eau et des îlots pour dévoiler la diversité d’un écosystème où oiseaux, poissons et forêt s’épanouissent.

Qu’y a-t-il de plus excitant que découvrir une côte sauvage sur un littoral réputé peuplé et urbanisé ? Si le nord de la Martinique plonge sauvagement dans la mer autour de la Montagne Pelée, le sud de l’île concentre les principales installations touristiques et humaines, au risque d'apparaître trop domestiqué. Il n’en est rien ! Et notamment au fin fond de la baie de Fort-de-France, dans l’anse que forme la côte sur les communes de Ducos, Rivière-Salée et Trois-Îlets.

C’est là que se trouve la plus grande mangrove de Martinique, un territoire d’eau et de végétation touffu, intriqué et sauvage. Une baie secondaire nommée Génipa, où l’on accède en bateau depuis Trois-Îlets et mieux encore en kayak, avec Kayak Nature Evasion. La mangrove est un milieu fragile, alors mieux vaut se passer de moteur… On y gagne une étiquette écolo et la tranquillité nécessaire pour mieux observer la faune et la flore.

Car la mangrove est une jungle où eau douce et salée se mêlent pour former un milieu d’une richesse écologique unique. A coups de pagaies, encadré par un guide, on glisse à travers les chenaux autour de la Rivière Salée, bras d’eau de mer qui remonte dans les terres sur 6 km. Jadis, cette voie naturelle était utilisée pour le transport de passagers et de marchandises (sucre, rhum…). Désormais rendue à la nature, elle révèle l’invraisemblable fouillis des arbres palétuviers dont les racines plongent dans l’eau saumâtre entre terre et mer.

Cette forêt littorale tropicale est touffue, voire impénétrable. Chaque plante tente de s’imposer à l’autre pour sa survie. 1 200 ha de « capharnaüm vert » dans lequel le guide explique les différences entre palétuviers rouges, noirs, blancs et gris, parle de « murailles végétales » et de « filtration des eaux », de biodiversité et de pneumatophores... On apprend ainsi que le bois de palétuvier a longtemps servi à fabriquer les casiers de pêche. Le tanin de sa variété rouge, lui, était utilisé pour la teinture.

Le lent cheminement sur l’eau est rythmé par des pauses mises à profit pour écouter le bruissement des arbres. Evidemment, cet univers d’ombre et de lumière est aussi un refuge pour la faune. Au gré de la balade sur le canal Cocotte ou de Rivière-Salée, le guide pointe du doigt les crabes-araignées et les touloulous, les crustacés et les insectes. D’impressionnantes termitières se cachent également dans la végétation.

Pour un œil non averti, il n’est pas facile d’apercevoir les oiseaux. Heureusement, le guide est là et sait distinguer pour ses clients un héron vert, une aigrette neigeuse, un balbuzard, une sterne, un ibis… 130 espèces d’oiseaux fréquentent le site, dont une trentaine est en « résidence permanente ». Sous l’eau, poissons, crustacés et mollusques sont aussi dans leur élément. Nurserie, refuge et même abri anticyclonique (!), la mangrove de la baie de Génipa est un « zoo » naturel d’une valeur insoupçonnée.

La navigation se poursuit dans la baie. Enfin de la grande lumière ! Sorti du tunnel végétal, la chaleur tropicale se rappelle à votre bon souvenir et invite à pagayer ferme sur le plan d’eau pour rejoindre Gros Islet (l’ex « Îlet à Vaches ») ou Petit Islet. L’occasion de rappeler que la commune des Trois-Îlets doit son nom à un tiercé d’îlots situés au large, Charles, Thébloux et Sixtain. Pour la petite histoire, ils tiennent leurs patronymes des derniers propriétaires, des chaufourniers (exploitants de fours à chaux).

L’escale sur Petit ou Gros Islet permet de goûter aux bienfaits de la vie martiniquaise, en dégustant un ti punch, un planteur ou un jus de fruit exotique bien mérité. Il est proposé à ceux qui optent pour l’excursion à la demi-journée (comptez environ 3h30 de balade). Ceux qui choisissent la version longue, à la journée, profiteront d’un pique-nique ou d’un barbecue sur la plage d’un îlot. Lors des périodes de pleine Lune, des sorties sont aussi organisées par le prestataire pour observer la faune dans une ambiance radicalement différente.

Ces îlots ne sont pas si anodins qu’ils y paraissent. Ils abritent une diversité végétale dont les anciens se sont servis dans leur vie de tous les jours pour l’alimentation ou les soins. Certains conservent d’ailleurs de rares vestiges de la présence d’Indiens Caraïbes, disparus aux Antilles durant la colonisation – il en reste quelques-uns sur l’île voisine de la Dominique, au nord de la Martinique, les Kalinagos.

Proposée toute l’année, cette randonnée en kayak dans la mangrove martiniquaise de la côte caraïbe, au départ du Village de la Poterie des Trois-Îlets, exige simplement que vous emportiez de l’eau, un appareil photo et revêtiez un chapeau ou une casquette. Les kayakistes aguerris ou familiers de l’endroit peuvent aussi louer des kayaks et partir sans guide.

Enfin, il serait dommage de venir spécialement dans le secteur sans prendre le temps de découvrir tout ou partie des villages des Trois-Îlets, Rivière-Salée et Saint-Esprit (Ducos, troisième commune bordant la baie de Génipa, est plutôt une ville-dortoir). Le premier incarne la Martinique du sud, avec ses maisons typiques aux murs rouges, son marché et son animation dominicale. Le second mérite un détour pour son port fluvial.

Quant à Saint-Esprit, il exige la plus grande attention ! Ce village de l’intérieur a prospéré à partir du 18ème s. grâce à la canne à sucre. Son musée des arts et traditions populaires le rappelle. L’église vaut aussi le détour pour sa jolie charpente en bois. Mais ce sont les environs qu’il ne faut pas manquer. En direction du Vauclin, l’excursion au morne Baldara, par la route des crêtes, dévoile un panorama somptueux sur tout le sud de la Martinique. Vous pourrez ainsi resituer de loin l’atypique mangrove des Trois-Îlets dans le paysage tropical de Madinina.